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Archives Mandragoriennes
11 mai 2008

CDD d'usage

Dans les secteurs où il est d’usage de recourir aux CDD, la Cour de Cassation, pour se conformer à la norme européenne, abandonne son attitude indulgente. 

 

Le CDI a le vent en poupe, c’est peu de le dire. Après avoir vu la rue le porter aux nus lors des manifestations anti-CPE, on a cru un moment, avec les promesses électorales sur le contrat unique, qu’il allait devenir la forme exclusive du contrat de travail.

Quand à l’accord interprofessionnel sur la modernisation du marché du travail, s’il n’a pas banni les contrats précaires, il a tenu à rappeler qu’il était « la forme normale et générale du contrat de travail ».

Le même accord, toutefois, a voulu réaffirmer, à propos des CDD et des contrats d’intérim, que leur « utilité économique dans un environnement en perpétuelle fluctuations et dans un contexte de concurrence mondiale est avérée ». Le CDD, qui en avait bien besoin, a repris quelques couleurs.

Il ne faudrait pas en conclure qu’il est en bonne santé. Nombreuses sont les forces qui se liguent pour le réduire à la portion congrue, par commencer par la Communauté Européenne avec son accord-cadre sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999, annexé à la directive 1999/70 du 28 juin 1999. Cette directive s’est donné pour mission de traquer les abus en matière de CDD successifs et il se trouve que la législation française contient une source potentielle d’abus, les contrats dit d’ « usage » qui sont utilisables dans les professions où il n’est pas naturel de recourir aux CDI.

 

Utilisation abusive. 

 

Dès leur création, l’administration comme les tribunaux font preuve de circonspection en ce qui concerne ces fameux CDD d’usage et, aussitôt qu’on aborde ce sujet, les spécialistes de droit de travail ont à l’esprit l’exemple donné par la circulaire du 30 octobre 1990, sur la différence entre les acteurs et les ouvreuses dans les théâtres : s’il est naturel de conclure des CDD avec les acteurs dont la pièce est donné un certain temps, cette pratique serait abusive avec les ouvreuses qui sont là toute l’année. Les CDD ne sont pas en usage dans la totalité d’une profession désignée dans le Code du travail, mais seulement pour certains emplois de ce te profession.

Un pas de plus vie d’être franchi dans la rigueur avec deux arrêts récents de la Cour de cassation qui entend se conformer à la norme européenne. La première affaire se situe dans l’audiovisuel. Mme C. commence en avril 1994 à travailler comme pigiste pour une société qui l’engage pour une courte durée et renouvelle régulièrement le contrat.
A la suite de la suppression de l’une des émissions auxquelles elle participait, la société met fin à la collaboration en mars 2003.

La Cour d’appel d’Aix en Provence se borne à constater qu’il s’agit du secteur de l’audiovisuel, nommément désigné par l’article D 121-2 du Code du travail comme faisant partie des branches où les CDD d’usage peuvent exister et que l’emploi de pigiste est, par nature, temporaire. Elle rejette donc la demande de la salariée, mais la Cour de cassation la censure car, dans le cas particulier, il y avait une utilisation abusive du CCD (Cass Csoc., 23 janvier 2008, n° 06-44.197). Même lorsque le secteur et l’emploi permettent, en théorie, le recours au CDD, encore faut-il s’assurer que, dans le cas particulier, le besoin de l’employeur est bien temporaire : un besoin qui dure neuf ans sans interruption ne l’est pas !

Deuxième affaire, nous sommes maintenant dans le milieu de la formation, autre secteur visé par l’article D. 121-2. Il s’agit d’un centre de formation d’apprentis où un enseignant se voit, d’année scolaire en année scolaire, renouveler son contrat, le tout pendant quatorze ans. Là encore, la Cour de cassation jugera que le centre de formation a abusé du CDD d’usage (Cass Csoc., 23 janvier 2008, n° 06-43.040).

Ces deux arrêts constituent manifestement un revirement de jurisprudence. Dans un premier temps, la Cour de cassation demandait au juge de vérifier que l’emploi concerné n’était pas temporaire mais lié à l’activité permanente de l’entreprise (Cass Csoc., 23 mai 1995 ; 6 mai 2002).

Puis par plusieurs arrêts du 26 novembre 2003, elle a restreint le rôle du juge qui devait juste s’assurer de l’ « usage constant » et ne plus s’étendre sur les conditions concrètes d’emploi du salarié concerné. Cette position a été confirmée par la suite (Cass Csoc., 25 mai 2005, 26 avril 2006, 26 septembre 2007).

 La résistance de plusieurs cours d’appel et un arrêt de la CJCE (4 juillet 2006, Adeneler) l’ont ramenée à plus de sévérité.  

 

Les Échos
mardi 26 février 2008

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