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Archives Mandragoriennes
30 mai 2007

Comment améliorer les règles de la dette publique en zone euro

La mise en place de l'€ en janvier 2002 supposait que l'on fixe des règles du jeu économique au sein des Etats  qui allaient désormais partager la même monnaie. Il fallait notamment s'assurer que les politiques économiques des Etats soient rigoureuses. D'où la règle de limiter la dette publique à 60% du PIB et le déficit public à 3%, dans chacun des pays concernés. Quatre ans plus tard, ces indicateurs pour accroitre en amont la coordination des politiques économiques des différents pays, sont devenus en fait les seuls critères d'évaluation de la bonne ou de la mauvaise gestion publique. A 2,9% de déficit public, on monte sur le podium. A 3,1%, on est cloué au pilori!

L'oeil ainsi rivé sur la ligne du hors-jeu des 3%, on en viendrait à oublier que, selon les cas, 3% de déficit public est un résultat économique qui peut paraitre honorable __ si la croissance économique est très faible__  ou particulièrement médiocre__ si la croissance économique est bonne.  On en viendrait également à oublier à quoi sert ce déficit, ou plutôt à quoi il devrait servir. Car avant d'être un simple résultat comptable, le déficit public est un outil stratégique de la politique économique au sens le plus large. Il s'agit en effet de maitriser impérativement l'aspect négatif de la dette publique, c'est-à-dire la charge financière qui en découle, tout en reconnaissant les effets positifs de cette même dette: d'une part, la sécurisation de la fraction de l'épargne nationale qu'elle mobilise ainsi, d'autre part l'impact économique éventuel des dépenses qu'elle finance. Loin des discours abrupts ou dogmatiques, un bon dosage et un certain doigté sont donc nécessaires.

Le récent rapport Pébereau a le mérite dans ce contexte de rappeler avec force et clarté les fondamentaux de la bonne gestion publique: un déficit public, autrement dit un alourdissement de la dette publique, devrait être structurellement réservé au financement d'investissement qui viendront accroitre le patrimoine collectif de la nation.   Avec cette définition de l'orthodoxie, la dette publique devient parfaitement légitime: c'est une bonne dette.  Sans elle, soit on renonce à investir (pas de routes, de stades, de réseaux d'eau potable, d'écoles, d'hôpitaux...)  puisqu'on ne peut payer le projet cash; soit on finance uniquement par l'impôt. Mais on ne peut tout de même pas demander au seul contribuable actuel de payer pour un bien qui sera utilisé pendant vingt ans, voir plus!

Aujourd'hui, la bonne dette publique en France est surtout portée par les collectivités locales, justement parce qu'il leur est interdit de contracter des emprunts pour autre chose que pour financer leurs investissements. Et elles en font un usage tout à fait raisonnable: qui sait aujourd'hui qu'au cours de ces dix dernières années les collectivités ont investis plus de 350 milliards d'€ sans que leur dette n'augmente d'un €, celle çi s'établissant en 2006 comme en 1996 à 106 milliards d'€?

Mauvaise dette en revanche quand on l'utilise pour financer en continu des dépenses publiques dites courantes ou de fonctionnement parmi lesquelles des dépenses de redistribution ou de transfert.... où l'on redistribue en fait, via le déficit, ce que l'on n'a pas!  Cela revient à faire payer aux générations futures des consommations d'aujourd'hui.  Les contribuables de demain n'en tireront aucun bénéfice. Mauvaise dette est toutefois un terme abusif, car il est vrai que l'on ne peut pas un strict équilibre annuel entre les dépenses et les recettes publiques courantes, notamment dans le domaine social. En effet, lors des phases de faible croissance économique, les recettes publiques sont mal orientées et les dépenses ont tendance à progresser plus vite. Réduire alors ces dernières risquerait d'accroitre encore la crise économique et sociale. Le déficit s'installe donc assez mécaniquement dans ces périodes de moindre croissance. Mais il faudrait s'astreindre à l'éponger sur un cycle économique et dégager donc des surplus dès que la croissance est bonne, ce qui permet ensuite de faire face aux mauvaises années. En ce sens, cette dette conjoncturelle est plus qu'acceptable dès lors qu'elle reste transitoire, mais elle devient mauvaise lorsqu'elle se perpétue dans le temps, quelque soit la situation économique.


Quelle règle proposer donc? Suggérons un raisonnement illustratif simple. Premièrement, on pourrait que la dette publique puisse être accrue chaque année en référence au niveau des investissements réalisés. Le déficit structurel pourrait par exemple s'élever à 60% des investissements. C'est une vision assez rigoriste en ce qu'elle suppose d'un taux d'autofinancement déjà significatif de 40%. Cette clé de partage pourrait évidemment être adoptée au niveau des taux d'intérêt. Pour des dépenses publiques d'investissement de 3% du PIB, c'est l'ordre de grandeur actuel en France, on autoriserait ainsi un déficit public à hauteur de 1,8% du PIB.

Deuxième règle possible: le déficit de fonctionement pourrait s'inscrire jusqu'à hauteur de l'écart  entre la croissance économique réelle et la croissance potentielle. Donc,  pour une croissance effective de 2%, identique au rythme de  la croissance potentielle, le solde courant devrait être nulle.  Pour une croissance de 1%, on autoriserait un déficit de fonctionement de 1% du PIB, tandis que pour une croissance à 3% devrait être établi un excédent courant de 1% du PIB...  Déficits et excédents courants seraient ainsi bien fonction  de la croissance et se compenserait totalement ou largement sur un cycle économique.

Technocratique, dira t on? Non, pédagogique! Les ménages, qui connaissent bien la différence entre prêt pour un achat immobilier et un crédit à la consommation, pourraient parfaitement comprendre l'utilisation stratégique de l'endettement sil était ainsi présenté.  La contrepartie physique de la dette structurelle apparait en effet clairement: face au stock de la dette figure la masse des infrastructures publiques.

De plus,ce raisonnement serait sans doute une bonne matière de sanctuariser les politiques d'investissement publique, malheureusement trop souvent victimes des politiques de rigueur budgétaire. Peut être aussi qu'une telle présentation éviterait que certains montages financiers soient utilisés non pas pour des gains économiques pérennes significatifs,  mais dans un simple objectif de débudgétisation comptable améliorant de façon ponctuelle les équilibres financiers publics.

Séparer au sein de la dette publique la dette conjoncturelle de la dette structurelle serait une meilleure stratégie que de réclamer  la dette zéro, objectif risqué en termes économiques et par ailleurs sans doute inaccessible


Dominique Hoorens
Directeur des études de Dexia crédit Local

Les Echos
mercredi 9 août 2006

 
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